C’est une photo en noir et blanc, derrière un crucifix. Elle montre le chanteur des Pogues, clope et verre de vin à la main, exposée sur le cercueil, donc, de Shane MacGowan. On aperçoit des instruments de musique, beaucoup d’instruments de musique. Et, de fait, ce vendredi 8 décembre, jour de l’Immaculée Conception, on rendra de nombreux hommages chantés en l’église de Sainte Marie du Rosaire à Nenagh (comté de Tipperary, Irlande).

Mais Shane a également été célébré en Bretagne. Les Pogues incarnent ce que l’on nomme le punk celtique. Témoin, l’incroyable album Rum, Sodomy and the Lash (1985). Cela n’a l’air de rien, dit comme ça. Mais la musique des Pogues a durablement infusé dans les consciences. Le « Dirty Old Town », morceau composé en 1949 par Ewan MacColl, avait été rendu célèbre par les Dubliners, puis par les Pogues. C’est devenu une sorte d’hymne dublinois.
Shane, et l’on ne s’en rendait pas forcément compte, est un monstre sacré. Un indécrottable punk, un buveur façon Brendan Behan, un rêveur drôle et touchant à la manière de Flann O’Brien. Tout cela, on le retrouve superbement dans le répertoire des Pogues.
Mais on découvre également les multiples passions de Shane : le hockey, le foot, la musique, la littérature, à mesure que l’on expose différents objets visant à commémorer le chanteur et, pour tout dire, ce curieux poète. C’est l’occasion de brandir, au début de cette messe grandiose et digne, le Finnegans Wake de James Joyce, dont Shane était féru. Le geste est vertigineux, quand on sait la trajectoire de Joyce, elle aussi très punk finalement.

Pour ce dernier hommage, au rang des officiels, on aperçoit un petit monsieur chenu, Michael D. Higgins, le président irlandais en personne. Les Pogues sont là, les Dubliners également. Nick Cave s’est déplacé lui aussi. Johnny Depp lui-même fera une rapide allocution. Et tant d’autres. Où est Bono pendant ce temps ? Tout le monde s’en fiche, bien entendu. Son égo passablement ringard emplissant idéalement une sphère immense à Las Vegas.
Pendant l’homélie, on évoque le Livre de la Révélation. Soit l’Apocalypse. Book of Revelation, cela n’a pas les mêmes connotations dans la bible du roi Jacques. « And then, we have Nick, » annonce un autre ami de Shane après son allocution. Nick Cave, bien entendu qui va chanter la très émouvante « A Rainy Night in Soho » des Pogues.
Now the song is nearly over
We may never find out what it means
Still there’s a light I hold before me
You’re the measure of my dreams
The measure of my dreams
Maintenant que la chanson touche presque à sa fin, il se peut qu’on ne comprendra jamais ce qu’elle peut bien signifier. Mais il y a une lumière que je garde devant moi. Tu es la mesure de mes rêves.