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Ann Loubert : B. assis sur sa mort

On abuse beaucoup, de nos jours, au prétexte d’une éthique réflexe mal dissociée d’une idéologie panique, du terme de nécessité. Telle œuvre est nécessaire, en cela qu’elle émane d’une juste cause, en cela qu’elle participe d’un effort au bien. Tout juste parue aux toutes jeunes éditions Sur Paroles, la petite plaquette d’Ann Loubert résulte quant à elle d’une autre nécessité, pas moins éthique, sans doute plus viscérale et, disons-le, authentique — terme sans doute aussi galvaudé que celui de nécessité, et par les mêmes usurpateurs ou confiscateurs patentés du sens.

Du contenu de ce journal qui nous est livré dans B. assis sur sa mort, je ne dirai ici presque rien. Citer un bref passage sera suffisant, tant pour éclairer l’intention que le geste même de ce qui nous est présenté, avec pudeur (le nom véritable de l’authenticité), non comme un poème, mais comme un « livre poétique ».

regarde
ma plaie
ce creusement de chair pansée
de mèche
à présent


fente
castration

78 kilos
tu en as perdu 40
ce sera plus facile pour les transferts

L’écriture travaille au bord de la plaie, sans être sotériologique vraiment. Je crois en effet qu’il n’y a pas de place ici pour le salut ou la prière. Du soulagement, à la limite. Encore que l’obscénité rôde et menace, issue des lèvres mêmes de la béance qui nous est confiée dans ce livre. La plaie parle, comme la nuit remue. La comparaison est faible, un peu inadéquate. Peut-être pensera-t-on plutôt au grand texte terminal de Thierry Metz.

Loubert, elle, traverse l’épreuve. Non pas l’homme qui penche, mais la femme qui peint. L’art permet de maintenir le sujet d’une seule pièce. C’est sa nécessité. Témoin, la reproduction en quadrichromie de l’huile sur toile effectuée par l’artiste, à la fin de l’ouvrage : About Dad’s Legs (2018).

Un mot maintenant sur les Éditions sur Paroles. Cette maison est le prolongement de « Haut Parleurs ! », une association qui a fait parler d’elle à Strasbourg. Il s’agit d’une petite scène poétique libre à laquelle on peut assister ou participer tous les premiers mercredis du mois. Les détails se trouvent ici.

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