
Il va sans dire que la poésie est devenue, comme toute chose, un objet de marketing. Pourquoi ferait-elle exception ? Je veux dire, la poésie, ce bien qui appartient à personne et à tout le monde — au nom de quoi pourrait-elle être le lieu ou le prétexte d’une quelconque résistance ? Si l’on persiste d’ailleurs à l’enseigner, et parfois de force, c’est de sorte à lui ôter ses derniers pouvoirs, ses ultimes sortilèges.
Je crois que la poésie a un devoir d’occultation d’elle-même. Ce d’autant que le terme d’occultation a déjà sa petite histoire secrète dans l’histoire méconnue de la poésie.
C’est, disons, un parler gitan. On parle gitan entre nous. On parle poème entre nous. On est pas là pour se faire comprendre par le premier publiciste venu.
C’est pour cela que je préfère un poète à tel autre : il travaille, lui, dans l’occulte, dans la blague et dans la non-carrière du poème, dans la perte et la déperdition dispendieuse. Parce que le poème, à lui, lui coûte. Que vaut un poème ? Je ne sais pas. Ce que ça coûte, un poème, au poète, j’en ai une petite idée. Et je n’ai pas besoin d’être poète pour le savoir.