888 mots pour Pénélope

Oui c’est très lisible j’ai dit en attigeant un peu au type qui à la librairie me demandait si Joyce là dont je venais de faire l’acquisition du volume séparé de l’épisode Pénélope dans la belle traduction de Tiphaine Samoyault il faut à chaque fois que je réfléchisse pour l’orthographe à donner au prénom de Tiphaine je ne sais jamais où mettre la hache oui on dit la hache les lettres ont un genre qu’on le veuille ou non oui je suis arrivé à le lire pas vous ah s’il savait plus de 20 ans que je suis dedans jusqu’au cou oh mais je ne me plains pas au contraire oui oui Ulysse est son plus célèbre pas le dernier je corrige mais son plus connu oui et c’est lisible puisque j’y suis parvenu et même plusieurs fois le type semblait un peu étonné dubitatif vas-y traite-moi de menteur tant que t’y es je viens de vérifier 150 mots environ on n’est pas d’accord Word et moi sur le décompte de mots et puis c’est quoi un mot je ne sais pas ce que c’est un mot Word s’y connaît sans doute mieux que moi en mots il se nomme Word après tout mais what’s in a word c’est vrai c’est pas simple avec Joyce qui en plus voulait ôter toute la ponctuation de Pénélope au prétexte qu’une femme ôte ses épingles à cheveux quand elle va se coucher vraiment tout ôter jusqu’aux apostrophes et aux diacritiques les accents graves aigus circonflexes trémas cédilles tout je te raconte pas le gloubi-boulga les traits d’union aussi je ne supporte pas les gens qui confondent traits d’union et tirets je pense qu’il faudrait refaire un nouveau contrat social à partir de quelques règles typographiques élémentaires et oui espace est genrée aussi en typographie bande de malappris.es on n’a pas le cul sorti des ronces le gloubi-boulga mishmash que ça donne en français ça va j’ai encore de la place pour parler de Pénélope oui en 888 mots pour les 8 lettres de Pénélope née Marion Tweedy épouse Bloom aka Molly est née un 8 non pas le 8 août quand même pas le 8 septembre pour la Nativité de la Vierge tu m’étonnes Molly la vierge c’est bien vu Molly qui compte ses amants Pénélope infidèle Poldy et sa Pénélope d’épouse femme unilatéralement féminine comme disait un ami de Joyce la chair qui dit toujours oui selon Joyce qui retournait la formule célèbre de Faust et pourtant il y a ce grand trou dont elle parle Molly mais elle parle de tous ses trous vraiment y compris de balle de ses pores mêmes elle respire la Weib elle est un monde comme la Reine de Saba chez Flaubert et puis c’est vrai elle est polarisée oui par l’Orient complètement Molly Shéhérazade et par Gibraltar aussi où elle est née Molly est toujours ailleurs même si dans tout le roman elle est au lit c’est une femme-lit un peu comme Winnie dans Oh les beaux jours à mi-taille puis jusqu’au cou dans un mamelon c’est pas moi qui le dis c’est Beckett mamelon comme un grand nichon de terre une petite colline comme la colline de Howth à la fin de Pénélope hop un petit coup de révisions statistiques et Word me dit oui tu peux continue tu n’es qu’à 540 et quelques mots de toute manière on est sur internet les gens qui lisent venticinque lettori vite fait sur leur téléphone de poche mettent ensuite un pouce sur Whatsapp lol oui qui pis est un blogue un peu littéraire tout de même un peu chiant intello tout ça tu as remarqué toi aussi comme intellectuel est devenu une sorte d’apostrophe méprisante oui même dans les salles des profs pas besoin d’avoir lu Chapoutot pour comprendre que ça commence sérieusement à puer du cul vraiment on n’est pas sortis des ronces et puis oui c’est ça si je voulais vraiment être lu je devrais écrire de la S-F ou quoi oui c’est ça en fait j’aimerais bien savoir en écrire de la S-F c’était à la fois méprisant de la part de cette personne de me conseiller cela méprisant pour ce que je fais mais carrément méprisant pour la S-F également de toute manière si ça continue ce sera l’IA qui fera les livres à notre place c’est peut-être même déjà le cas on n’en sait rien si ça se trouve Chattham c’est de l’IA on n’a plus besoin d’écrivains on ne les lit pas il circule plus d’ouvrages en service de presse qu’il n’y a de ventes effectives et ce n’est pas seulement vrai des livres publiés chez les petits éditeurs oh que non on n’a jamais eu besoin d’écrivains c’est Deleuze qui le rappelle quelque part dans les états totalitaires on ne se rend même pas compte de ce type de manques on manque peut-être déjà de choses comme ça oui pas seulement des poètes des artistes mais il manque des trucs qu’on nous a confisqués dont on n’a au fond même pas conscience qu’ils nous manquent oui on ne se rend pas vraiment compte de ce qui nous manque un jour comme ça ça commence de nous manquer et puis d’un coup ça manque pénurie mais de quoi on ne sait même pas qu’il y a pénurie oui.