
Je n’ai jamais bien su épeler le mot « épeler ».
J’écris : « J’écris. » Mieux encore : « J’écris Paludes. »
Molly Bloom dit ne pas aimer les livres où il est question d’une Molly.
Belle formule de Georges Bataille : « … l’animal est dans le monde comme l’eau est dans l’eau. »
On trouve dans Roland Barthes par Roland Barthes la définition du mot « autonymie ».
Il y a un vertige réflexif ou autoréflexif dans toutes ces propositions. On peut s’en amuser. Rabattre le fait poétique (littéraire, mettons) sur ces phénomènes spéculaires dans le sillage de Lucien Dällenbach, s’émouvoir de la métalepse, d’un écrasement de niveaux discursifs est devenu assez convenu. Une dialectique grossière peut faire dire que c’est précisément au moment où le texte ainsi se clôt qu’il s’ouvre le plus superbement.
Peut-être que la réflexivité, servie par les savantes spéculations sur son ouverture présumée, est une invention de plus qui vise à confisquer l’œuvre, à en renforcer le blindage sinon le prestige. Le bouclage autotélique de l’œuvre d’un Raymond Roussel par exemple, souvent remarqué, fait d’elle une mariée mise à nu dont nous ne sommes jamais que les célibataires. Les plus ridiculement audacieux d’entre nous pourront, au mieux, venir grossir le rang de ses cocus — diplômes à l’appui.
Que l’œuvre développe une conscience de soi est tout autre chose. L’écrivain, y compris l’incompréhensible Roussel, écrit alors contre soi, contre le monde quelquefois. Le ratage minutieux de l’œuvre de Roussel est à la mesure de l’aventure de Kafka. Le combat à mener est livré autant contre soi que contre le monde, pour paraphraser un des plus célèbres aphorismes de Zürau. La dimension réflexive peut alors être mise au service de l’écriture, de sorte à lui offrir une forme de cohérence. Mais le travail, y compris d’interprétation, ne s’arrête pas au constat béat de quelque bouclage autoréférentiel de l’œuvre.
Une banalité plus féconde consiste à dire que l’écriture va au-devant de soi.