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Le jour où Claudia Cardinale est morte

Du contenu

Le présent blogue a changé de peau. Mais que l’on se rassure (ou que l’on s’inquiète) : il lupo perde il pelo ma non il vizio. L’apparence est un peu autre, mais le vice, encore impuni, lui, n’a pas changé. Je vais continuer de lire, de proposer des lectures ici. De faire que suppure la mauvaise humeur également. C’est bien ce qui me rend moins malheureux, la mauvaise humeur. J’ai la mauvaise humeur joviale et même quelquefois rigoureuse.

Oui, le moral est plutôt bon. Et il y aurait de quoi. Ce n’est pas faute de faire des efforts, de me saturer de bienveillance — le négatif reste au beau fixe.

Un peu surannée désormais, la forme bloguëlle me convient. Elle permet (et, je trouve, encourage) le contenu. Pour le dire autrement, mais de la même manière : il s’agit de créer du contenu, non de création de contenu au sens de l’internet d’aujourd’hui, où le contenu semble à peu près vide de tout contenu, se présente comme forme coercitive pure, journalisme au mieux, affirmation vaine, publicité frénétique, tuyau vide et non moins ruisselant d’idéologie lancé dans l’espace numérique.

AlbanIA

Une ministre générée par une IA a été nommée en Albanie, en charge des marchés publics. On a beau jeu d’ironiser sur le fait qu’une ministre d’intelligence artificielle sera toujours plus vertueuse qu’un ou une ministre d’intelligence comment dit-on? d’intelligence humaine. Et peut-être même plus sympathique. Elle ne peut présenter que des avantages. Déjà, cette abjection-ci ne vapote pas dans l’hémicycle.

L’IA, et nos choix relatifs à elle, est comme l’eau qui coule : cela ira toujours dans le sens de la pente. Est-ce la pente du désir? du marché? du marché de nos désirs? de notre paresse? de notre volonté de puissance? de notre aliénation? d’un accord tacite avec celle-ci? La question est sans doute intéressante, mais je crains que la réponse en soit navrante. Plaider en faveur d’une éthique de l’IA revient à rêver que l’eau remonte la pente.

Rentrée dite littéraire

J’espère ne pas recevoir trop de Services de presse générés par de l’IA. Il y en aura, forcément. Peut-être même de fort bons. De bien meilleurs, à n’en pas douter, que l’essentiel des trop nombreux romans qui paraissent chaque année pour la rentrée dite littéraire. Les mémoires d’une ministre albanaise, par exemple.

Je n’ai encore lu aucun roman de cette rentrée. Ne désespérons pas. Je suis très capable de faire une note consacrée à l’un ou l’autre de ces ouvrages dont circulent davantage de SP qu’il n’en est de ventes effectives, mais il n’est pas garanti que ma recension — perspicace, élogieuse — paraisse avant que ledit chef-d’œuvre inconnu soit retourné par des libraires désolés, lesquels sont les premiers à crouler sous la masse. C’est à un tarif préférentiel déjà prévu dans les termes du contrat qui les lie que l’éditeur revendra ces invendus à l’auteurice, qui jamais ne refuse l’offre (vanitas vanitatum…), parce que c’est ça ou le pilon pour le produit génial qui n’a hélas pas rencontré le succès attendu. Un avantage indéniable de l’auto-édition réside dans le fait qu’ayant, d’emblée, les bouquins sur les bras, on sait immédiatement l’humiliant poids du stock.

Ce ne peut tout de même pas être que de la bouse. Quoiqu’on le subodore franchement. Surtout, qui pour lire tout cela? Heureusement nous avons d’excellents journalistes communicants instagramesques qui savent mieux lire que tout le monde (que moi en tout cas). En ce moment, c’est l’engouement pour le dernier Mauvignier. On s’arrache le gros livre paru chez Minuit. Ce n’est pas une mauvaise chose que ce soit au tour de cet auteur d’être plébiscité. Mais on sent bien là à l’œuvre la fabrication commerciale de l’écrivain. Il est dans la liste du Goncourt, etc.

— Il faudrait arrêter de parler comme si la critique littéraire existait encore. On vit un peu trop, toi le premier, dans la nostalgie de Barthes ou de Jean-Pierre Richard. C’est mort !
— Il faudrait arrêter de parler comme si la littérature existait encore, comme si elle avait jamais existé. Et puis écrire.

Le divan du Guépard

Il pleut sur Palerme. Il pleure dans mon cœur, comme il pleut sur la ville. J’ai appris, la nuit dernière, avant de me coucher, le décès de Claudia Cardinale.

Face à moi, un sofa où s’est probablement assise la Cardinale dans Il Gattopardo de Visconti. Il a plu toute la nuit — je crois, à l’annonce de la triste nouvelle. Cela m’a bercé, sous le toit de la foresteria. Quelques amis s’empressent de me relayer l’information. Des photos de Claudia Cardinale fleurissent sur les réseaux.

J’interroge le divan dont le velours est quelque peu élimé, l’assise franchement déglinguée. Il faudra mettre un peu de passementerie autour pour éviter que quelqu’un s’y assoie.

Ministre d’intelligence artificielle et disparition de la beauté sur les épaules de qui repose, au moins en partie, la réussite du film de Visconti.

Que penses-tu, toi, divan, de tout ça?

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