
, vous étiez vraiment comme des cornichons entassés vautrés là pas bien frais de la veille au fond de l’église, tout devant le Général son père était lui resté debout pendant tout l’office sur ses jambes flageolantes, c’est vraiment con punaise la mort quand on y pense), est-ce qu’Amy qui vient de prendre ce livre au tourniquet d’un edicolo dans un village balnéaire où l’hypertouristisation commence déjà de se faire sentir, et l’eau a déjà bien envahi la grotte sous Santa Maria, dire que tu ne reconnaîtrais même pas la plage, désormais a tan prayer rug of a beach et tu serais curieux de voir comment on a traduit cela en français — Amy se pose-t-elle ce genre de questions? elle a peut-être de terribles migraines ophtalmiques qui l’obligent à rester tous volets tirés dans l’obscurité, cela ne lui est plus arrivé depuis quelques mois maintenant et elle a autour des reins un petit paréo rouge qu’elle ôtera une fois arrivée nantie de ce roman traversé par une maladie noire à la plage du Lido (Enrico te dira quelques années plus tard qu’il pouvait encore jouer au foot ici alors que maintenant l’étendue de sable sur le Lido n’est plus qu’une peau de chagrin climatique, décidément faire pipi sous la douche, trier ses déchets était bien dérisoire), elle étend sa serviette sur la plage après avoir ôté son paréo, Maman fera semblant de s’intéresser au roman dont elle vient de faire l’acquisition et Papa sera déjà parti nager, c’est le dernier été qu’elle daignera passer avec eux c’est décidé, peut-être que ce livre avec sa si belle couverture lui permettra de s’extirper un peu de l’angoisse que c’est seulement d’avoir à faire semblant de les écouter mais Amy n’allait tout de même pas rester à l’hôtel toute la journée, prétextant une migraine ophtalmique, encore que ce serait une super idée, elle pourrait lire ce livre en mangeant peut-être un peu de pastèque, allongée sur son lit un peu dur c’est meilleur pour le dos, ça va ce n’est que pour les vacances, un peu dur mais idéal pour la lecture, oh! Amy n’est pas une grande lectrice, mais il lui est déjà arrivé de ne plus lâcher un livre tellement l’histoire lui plaisait, Oliver Twist par exemple, mais avec celui-ci peut-être qu’elle éprouve un peu de mal au démarrage, tout y est assez long et même un peu cucul avec ses personnages d’Américains un peu superficiels, superficiels, pense Amy qui barre ses 7, comme peuvent l’être seulement les Américains, à ce compte-là oui, elle peut tout aussi bien aller sur la plage avec sa famille et souffrir leurs fadaises dont elle n’arrive pas encore à théoriser ou à comprendre le caractère proprement néfaste parce que ça oui elle le sait qu’elle les aime et qu’elle ne veut surtout pas les décevoir — I don’t love anybody but you, Mother, darling —, mais elle ne saisit pas tout tout de suite, elle est encore un peu Daddy’s Girl, et bien sûr que cela la gêne, mais rien de moins anormal puisque ce livre a été conçu dans les ténèbres, elle finira par le laisser à l’hôtel, un de ces hôtels chics dont il est question dans le roman, avec des matelas un peu durs sans doute, dans ce roman qu’elle ne comprend pas mais où elle a très peur de lire au livre d’elle-même — si elle en avortera brutalement la lecture c’est qu’elle aura pressenti tout ce qu’il y a de coupant dans cette histoire que l’on lit comme on ramasse du verre cassé,