
Dans L’Art du roman, Kundera nous rappelle que l’année 1857 est l’année de parution des Fleurs du mal et de Madame Bovary. Il continue :
« À partir de 1857, l’histoire du roman sera celle du ‘roman devenu poésie’. Mais assumer les exigences de la poésie est tout autre chose que lyriser le roman (renoncer à son essentielle ironie, se détourner du monde extérieur, transformer le roman en confession personnelle, le surcharger d’ornements). Les plus grands parmi les « romanciers devenus poètes » sont violemment antilyriques : Flaubert, Joyce, Kafka, Gombrowicz. Roman = poésie antilyrique. »
Voici de quoi alimenter le moulin de la prose libre. Peut-être qu’il faudrait étendre la réflexion non seulement à la prose, mais effectivement au roman même. Cette forme, pour peu qu’elle soit un tant soit peu objectivée, échappe au lyrisme. Il y a bien sûr des contre-exemples. Je pense à La Mort de Virgile d’Hermann Broch, qui ne me semble pas exempt de lyrisme. Même constat pour les romans de Virginia Woolf. C’est bien sûr le monologue intérieur qui travaille ces romans dans le sens du lyrisme, qui en fait, davantage que des « romans devenus poésie », plus encore que des formes écrites sous l’œil de la poésie, rien d’autre que de vastes poèmes.
Quant à avancer que la prose libre est nécessairement antilyrique, c’est une autre affaire.