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Antonio Porchia (Voix)

Antonio Porchia est, avec Voix [Voces, première édition 1943], l’homme d’un seul livre. Ce scriptor unius libri jouit d’une gloire un peu secrète. Il était, lui-même, un homme discret, retiré du monde. Porchia a néanmoins été remarqué par Roger Caillois, qui le rencontra à Buenos Aires et qui fut le premier à le traduire. Un autre de ses traducteurs est Roger Munier. Cela suffit déjà à situer ce poète à la rareté affirmée. Ajoutons que Porchia fut également salué par André Breton, par Alejandra Pizarnik ou encore par Henry Miller, et que Jorge Luis Borges lui offrit une préface. Roberto Juarroz signa quant à lui une postface à l’unique livre de Porchia. Le voisinage de Juarroz, de sa poésie verticale, est suggéré par cette voix-ci : « Je suis le bas et le haut de moi-même. Pas seulement le bas. Pas seulement le haut. Car le bas et le haut de moi-même je n’ai pu les séparer. » Aujourd’hui, Porchia exerce notamment une influence sur Laurent Albarracin, dont une partie du travail est aphoristique.

Voix se compose de quelque 300 aphorismes. Dans l’édition qu’en procurent les très élégantes éditions Sables (2012, Pierre Nouilhan trad.) figure également une série de Voix nouvelles. Il existe différentes éditions de Voix en langue française, notamment aux éditions Unes ou Eres. L’ensemble de ces aphorismes est quelque peu flottant : on trouve, en langue espagnole un recueil de Voces abandonadas (voix abandonnées)… Tout se passe comme si l’unique livre était davantage qu’un seul livre.

Porchia formule, souvent de manière saisissante, le mystérieux et l’évidence, le rapport de moi à l’autre, l’amour et le désir, la douleur et le temps qui va, mais aussi l’instant où vient s’incruster l’éternité : « Mes instants jouent avec l’éternité. » ; « Les petites choses sont l’éternité et le reste, tout le reste, est bref, très bref. » ; « Une minute et l’éternité, ensemble, sont deux minutes. Ou deux éternités. »

Voici quelques autres de ces voix :

« Je t’aiderai à venir si tu viens et à ne pas venir si tu ne viens pas. »

« Qui dit la vérité ne dit presque rien. »

« Une chose avant d’être toute, est bruit, et toute, silence. »

« Les choses réelles existent tant qu’on leur prête les vertus et les défauts des choses irréelles. »

« Les enfants que personne ne tient par la main sont ceux qui savent qu’ils sont des enfants. »

« On apprend à ne pas avoir besoin, en ayant besoin. »

« Les choses qui diffèrent le plus entre elles sont celles qui diffèrent le moins de moi. »

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