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L’été avec Sylvia (le mythe de la rentrée, Espace d’Écriture Bleu Nuit)

Mardi, 3 septembre 2024

C’est la reprise. Je ne comprends pas, je n’ai jamais arrêté, pour ma part, rien changé vraiment à mon mode de faire, d’écrire, de lire, de rêver, de serrer les dents et ce n’est pour moi aucunement la reprise de quoi que ce soit, la continuation plutôt de l’été avec Sylvia. Il faut être sacrément tordu ou alors tout simplement docile pour croire en le mythe de la rentrée. Tout se passe comme si on acquiesçait à la fin de l’été. Et puis quoi encore ?

Ou bien, à la limite, mais je doute que ceux qui béatement reprennent pensent alors à Proust (on dit, je reprends, comme lorsqu’on s’adonne, contre son gré souvent, à nouveau à une mauvaise habitude : je reprends la cigarette : la reprise comme récidive), il convient peut-être d’opposer le moi social au moi véritable et créateur. Le premier cédant à la reprise, l’autre s’obstinant continûment dans l’obscur. Je ne crée quant à moi pas grand-chose qui soit notable, ni ne vise à une quelconque société (à la refondation d’une nouvelle mondanité ? cela se fait déjà sans moi) avec ce que j’entreprends ici avec les mots, ici et ailleurs, quelques ailleurs semblables et différents, parfois reliés, souvent interdépendants. Ces velléités s’amoindrissent, oui, à mesure que s’approfondissent les ombres, les miennes mais celles du monde aussi bien. Vingt-cinq lecteurs, même distraits, suffisent. Et amplement. Pour peu que c’en soit de bons.

Pensino ora i miei venticinque lettori che impressione dovesse fare sull’animo del poveretto, quello che s’è raccontato.

Je tiens à mettre en garde les lecteurs un peu distraits qui liraient ceci sur leur téléphone de poche : l’Espace d’Écriture Bleu Nuit de Boris Wolowiec n’est pas bien lisible sur le tout petit écran, pas sur le mien en tout cas.

Je vous ferais bien une visite guidée de ce lieu, mais il est mieux que l’on s’y perde selon ses propres idiosyncrasies et perversions. C’est comme d’aller au bordel. Il y est question de choses belles, foudroyantes et variées. BW lui-même m’a signalé la présence, en ce terrier fabuleux, de Notes sur Sylvia Plath et d’une Rhapsodie avec Sylvia Plath. Ce serait merveilleux qu’un éditeur vaillant et courageux (oh! il en reste) entreprenne une édition des Rhapsodies de BW. Cela donnerait un fort volume. De ces Rhapsodies, il en est une bonne vingtaine, que l’on peut découvrir sur l’Espace d’Écriture Bleu Nuit. Je ne les scanderai pas ici, sur le mien blogue, ne voulant pas meurtrir la coulée de textes aussi brûlants que Rhapsodie avec Sylvia Plath ou Rhapsodie avec Tristan Corbière. BW ne le supporterait pas.

Signalons tout de même la parution récente (juin 2024) d’un deuxième volume d’Admirations de BW, aux éditions des Météores. Honte à moi, bien sûr, de ne pas avoir parlé plus tôt de ce livre.

Pour ce qui est de Sylvia, les notes que donne BW sur elle touchent juste. BW travaille par diagonales ardentes, mais son approche peut sembler assez frontale cependant. Il élabore ainsi des rapports éclairants, dégage des lignes de force, parvient à envisager lucidement la maladie de Sylvia, sans succomber au dolorisme. Je ne citerai à ce propos que ces deux courts passages (on ira voir le reste sur l’Espace d’Écriture Bleu Nuit) :

Il est parfaitement évident que Sylvia Plath est une femme malade. L’hôpital est partout dans son œuvre. Pourtant il est aussi parfaitement évident qu’elle parvient à styliser sa maladie avec une élégance inouïe. Sylvia Plath a en effet le génie de donner à sa maladie une forme exacte. Elle appartient ainsi à la catégorie des malades psychiques heureux, des malades psychiques finalement heureux parce qu’inspirés. Sylvia Plath est ainsi de la race des Nerval, Strinberg, Dostoïevski, Bergman ou P. K. Dick.

Il y a chez Plath une forme de morbidité enchantée ou d’enchantement morbide, parce qu’elle pense que la mort, le repos de la mort lui offrira un contact paisible avec le monde, contact paisible qu’elle ne parvient pas à avoir par sa vie même. « Ce sera plus naturel pour moi de reposer. Alors le ciel et moi converserons à cœur ouvert, et je serai utile quand je reposerai définitivement : alors peut-être les arbres pourront-ils me toucher, et les fleurs m’accorder du temps. »

BW a également à cœur de partager le regard que Sylvia portait sur la peinture. S’en dégage, à travers Sylvia, un autre regard sur de Chirico :

Les remarques de Plath à propos de la peinture sont aussi acerbes que sagaces. « Mondrian : chaleureux comme des carrés de linoleum platonicien. » ; « Et partout dans les villes de Chirico, il y a un train pris au piège lâchant ses nuages de vapeur dans un labyrinthe de lourdes arches, voutes et arcades. (…) Et les longues ombres projetées par des silhouettes invisibles- impossible de dire si elles sont humaines ou de pierre. » En effet la peinture de Chirico nous apprendrait précisément cela : même si la silhouette d’un homme est différente de la silhouette d’une statue, la silhouette de l’ombre d’un homme apparait cependant identique à la silhouette de l’ombre d’une statue. La peinture de Chirico nous apprendrait que du point de vue de l’ombre ou plutôt selon l’œil de l’ombre, le charnel et le minéral deviennent indiscernables.

Giorgio de Chirico, Piazza d’Italia (1950)

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