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Esquisses de la lune et du ciel pour Albarracin

lune

La lune fait l’objet d’un renversement amusant dans Plein vent :

La lune avec son doigt
montre
tous les idiots


L’idiot qui montre la lune du doigt somnole dans la curieuse image ci-dessus (la citation). Albarracin éveille la langue. Les formes endormies du langage se changent en images à la faveur d’une rêverie de mots.

La lune désigne l’idiotie, qui est un principe fécond de la poésie du Même que pratique Albarracin. Une forme de lunatisme est à l’œuvre, dont Résolutions garde la mémoire : « J’ai souvenir d’une insulte qui se disait dans mon enfance provinciale : ‘paysan de la lune’. Quels formidables ploucs nous étions alors. »

ciel

Le ciel est très présent chez Albarracin. Il se pense idéalement dans son bleu, « im lieblicher Bläue », pour parler comme Hölderlin. Ce bleu est à la fois principe et horizon. Il permet au ciel de se maintenir ciel, à hauteur de ciel.

Pour soutenir le bleu du ciel
il n’y a que le bleu du ciel —
ce qui porte est soi-même porté —
l’allégresse est joie de joie


(Herbe pour herbe)

Une allégresse certaine est associée au bleu du ciel, à sa pureté. « L’impression de pureté d’un ciel bleu provient de ce qu’il a dû puiser le bleu du ciel dans le ciel bleu, nulle part ailleurs. » (« Postface aux choses », Le Grand Chosier). Le ciel albarracinien est de la plus belle eau. Il est l’ouverture partout présente dans Plein vent :

Il s’arrête à des flaques
le ciel
dieu empêtré dans les détails


Le ciel n’est en effet pas que céleste ou aérien. Il est ailleurs qu’au ciel. Il est une figure de l’ailleurs repoussé, son bleu repose dans le bleu, mais le ciel se repose sur l’horizon. Le ciel peut aller jusqu’à terre. Ventre à terre, il pousse au jardin, comme il est dit dans Herbe pour herbe

Le ciel commence entre l'herbe —
l'horizon n'en mène pas large —
il en prend un coup
sur l'ailleurs

...

Le ciel tranche —
ici est le jardin
là commence
le ciel

Le ciel est une chose qui est partout, mais elle n’existe pas, ou pas de la même façon que la mer. Le ciel est moins céleste que la mer est maritime. Et le soleil dans tout cela ? Voici : « Le soleil est une pirouette dans le plus grand sérieux du ciel. » (Résolutions).

Le ciel est là pour que rêvent les paysans de la lune. C’est tout.

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