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L’été avec Sylvia (plus de Tennessee, moins de Littérature)

Jeudi, 11 juillet
Strasbori, a casa

Quelque chose en elle de Tennessee. On le sait peu, mais la chanson fameuse de Johnny Hallyday, « Quelque chose de Tennessee », composée par Michel Berger, est un hommage à Tennessee Williams. Le morceau s’ouvre sur une citation d’Une chatte sur un toit brûlant, dite par Nathalie Baye : « À vous autres, hommes faibles et merveilleux qui mettez tant de grâce à vous retirer du jeu ! Il faut qu’une main, posée sur votre épaule vous pousse vers la vie… Cette main tendre et légère… » Ceci pour souligner le caractère populaire, populaire sans qu’on le sache, populaire bien qu’on ait un peu oublié l’incroyable succès de Tennessee Williams. Bien entendu, la qualité d’une œuvre n’est pas fonction de son succès. Mais le « cœur en fièvre » de Tennessee est aussi, et incontestablement, celui de Sylvia qui pourrait être un personnage issu d’Un Tramway nommé désir. Robert Lowell, dans sa préface à Ariel disait précisément que la poésie de Sylvia est une « autobiographie de la fièvre », faisant manifestement signe au poème « Fever 103 ».

Il y a chez Sylvia quelque chose de Tennessee. J’imagine, je ne suis pas allé vérifier, que les scholars américains n’ont pas manqué d’établir avec précision le rapport exact entre Sylvia et Tennessee. Il s’impose en tout cas, tant la fêlure propre à ces deux auteurs les place dans un même espace. Sujet typique de dissertation pour étudiants undergraduate. Ceci dit sans mépris. Il s’agit d’un constat, Sylvia et Tennessee participant d’un même engouement, qu’on cerne assez difficilement aujourd’hui.

Ariel, le recueil posthume de Sylvia est resté, depuis sa parution en 1965, une sorte de best seller. Un classique de la poésie moderne en tout cas. Et pour cause : on y découvre des poèmes aussi saisissants que « Daddy » ou « Berck-Plage ». Lisa Simpson est quant à elle une lectrice assidue de The Bell Jar (saison 20, épisode 11 des Simpsons, mars 2009). On ne perçoit guère, en France, l’implantation très vive de Sylvia dans la culture pop (à quand une série Netflix ?), et c’est dû, n’en doutons pas, au divorce éminemment ourdi et calculé, chaque jour davantage consommé, entre le poème et son potentiel lectorat populaire.

C’est un lien qu’il importe désormais de réinventer complètement. La confiscation du poème a bel et bien eu lieu. L’effort devra consister en sa restitution, selon une approche que je qualifie d’hétérodoxe [voir ici].

A-t-on, en France, un poète comme Sylvia, qui jouit d’une si belle popularité ? A-t-on, en France, une Alda Merini ? Un Pasolini ? poète non moins exigeant, confisqué lui aussi (et combien), alors que cet attaccante sut travailler de manière éminemment populaire (eh oui, la poésie et le foot, pourquoi pas ?). Immense succès également de Dylan Thomas, si peu lu en France, véritable rock star avant l’heure, qui inspira son nom de scène à Robert Zimmerman (Bob Dylan).

Tout se passe comme si nous entretenions un rapport zoographique à l’animal poète, hérité d’une conception muséale de l’auteur (le musée comme mausolée, disait quelque philosophe grincheux), dont le destin est d’entrer, mort ou vif, dans la Littérature. On aimerait, de sorte à tenter la restitution du poème, davantage de Tennessee et moins de Littérature.

C’est tout pour aujourd’hui.

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