Et il est mort, au petit matin, à l’orée d’une impossible nuit.
(Suppôts et Suppliciations)

pour Arthur
Méthode : bâcler, traverser. Parcourir, sans avoir la naïveté de vouloir arrêter le sens. On finirait, soi-même, coupé en deux par le bolide Artaud, que rien n’arrête. Lacan seul aurait « fixé » Artaud, en 1938, lors d’une visite à Sainte-Anne. Et pourtant, quelques grands livres ― Le Théâtre et son Double, Messages révolutionnaires, Les Tarahumaras, Suppôts et Suppliciations, le Van Gogh, etc. ― viendront montrer que le corps d’Artaud, en rien fixé, est lancé comme une bombe hurlante dans le siècle (la formule est d’André S. Labarthe), et je veux croire qu’il n’a pas cessé de vrombir.
Il est une certaine forme de poésie ― la seule valable ― qui, par essence, désactive l’ordre et désavoue la coercition. Elle est insurrection constante. Témoin, Héliogabale. « Héliogabale n’a pas attendu d’être arrivé à Rome pour déclarer l’anarchie ouverte, pour prêter la main à l’anarchie qu’il rencontre quand cette dernière se pare de théâtre et qu’elle amène vers la poésie. »
Il est devenu banal de le signaler, Artaud aurait la révolte chevillée au corps. Le cœur de cet insurgé éternel et, partant, celui de son lecteur (mais c’est peut-être aller un peu vite en besogne …), serait perpétuellement appelé à se soulever. Cœur supplicié, disait Rimbaud. « Mon triste cœur bave à la poupe … » En réalité, Artaud-le-supplicié va plus loin.
Écœurement, abjection, chair excoriée purulente, écorchée ou tout simplement à vif, caca. Or, à l’ère aseptisée, calme et sans espoir du spectacle intégré, Artaud a trouvé une place de choix au règne des contre-révolutions. Ignominie tristement prévisible. On l’a domestiqué, on lui a fait remonter par voie rectale la canne dûment lubrifiée de saint Patrick. Il est devenu lui-même une institution. Un guignol. On le lit aujourd’hui pour le plaisir. C’est dire. Il est publié massivement. À quand la Pléiade, avec d’Ormesson ? On le traduit. Le philosophe tend à nous le confisquer. Il est à l’origine de multiples discours ou pratiques artistiques, on passe des diplômes à partir de son œuvre. On lui consacre des numéros de revues. Cochonnerie, fieffée. « Il ne faut pas trop laisser passer la littérature, » est-il dit dans Le Pèse-nerfs. En effet, ne vaudrait-il pas mieux marcher dans Artaud, le piétiner comme il faut, le cabotiner à cloche-pied, mais éperdument et du pied gauche, pour se persuader, en ce siècle de toutes les haines possibles et impossibles de la poésie, qu’il existe encore des poètes ? Du pied gauche, comme je me lève, certains matins, pour une belle journée ensoleillée parmi les morts.
Sans doute que la voix d’Artaud ne nous est plus audible, si elle l’a jamais été. Une bonne raison à cela : ses messages, ses révélations qui émanent de la vie même, sont devenus plus grands que la vie ― à mieux dire : Artaud déborde le chien-et-loup de nos existences affamées autant que collierisées. Mais, écrit Artaud dans Héliogabale, la réalité du Souffle primordial (celui du Chaos), n’est autre, justement, que « cette faim vitale, changeante, opaque, qui parcourt les nerfs de ses décharges, et entre en lutte avec les principes intelligents de la tête ». C’est affaire, en somme, de golosités dans un monde résolument fade. Oui, golosités, terme cher à l’Antonin et combien goulûment ; choses gouleyantes ; à pleine bouche, en pleine gueule. Mais pas seulement. Car les mots d’Artaud nous viennent de loin, de l’autre rive. « Il y a de terribles violences de termes mais j’ai mis toutes mes forces à les soutenir par la rigueur du ton poétique où elles sont coulées et qui les suit. Au Moyen Âge on écrivait comme cela mais depuis la langue a pris peur. » (lettre à Colette Thomas, 10 avril 1946). Artaud, pour mieux conjurer la peur dans les mots, nous parle de choses lointaines, énormes, occultes, proprement invisibles. Circulez, rien à voir. Mais au contraire, allons-y, puisque tout est question non de crainte, mais de vision. Hardi, petit !
On connaît ces lecteurs « hystériques » d’Artaud qui ne sauraient s’en remettre, dont la risible fonction consiste à nous rappeler, bien à leur dépens, que le commentaire n’a rien à dire au sujet de l’œuvre-jouissance, qui est toujours au-delà, pour toujours hors-plaisir, à jamais hors-critique, absolument de l’autre côté. C’est vrai, le commentateur ― je ne fais pas exception ― écrit pour ne rien dire, ou si peu. Lecture-suicide, traversée au long cours.
Pour ce qui est de Lautréamont, exemplairement, Artaud fait preuve de la plus salubre effraction qui soit en nous dispensant une vigoureuse leçon de lecture (un How to Read, à la Pound). Il nous explique, ce faisant, pourquoi l’inoffensive, la très lénifiante lecture-plaisir est et sera toujours favorisée, encouragée sinon largement imposée par les tenants forcément châtrés de la culture, lesquels n’ont à vrai dire que foutre de la jouissance totale et inenvisageable du poète vivant. Sans oublier que, comme il nous est rappelé dans Pour en finir avec le jugement de Dieu : « L’Homme, quand on ne le tient pas, est un animal érotique. » Malbaise dans la culture, donc.
Cela précisément ne tient à rien, sinon à la crainte calculée, à l’effroi savamment distillé ― façon gouttes de Tercian ― qui a pris place non seulement dans le flapi des consciences, mais qui, comme le signale Artaud, a commencé par s’installer dans les mots mêmes. Pour le dire autrement, on assiste au gel méthodique des moyens de production poétique, qui va de pair avec la confiscation de tout ce qui peut s’apparenter à, ou servir une via negativa. Fin des affolements. Rentrez chez vous. Retournez aux cavernes de l’Être. À l’heure pérenne du couvre-feu de nos désirs les plus simples, risques et fragilités sont diagnostiqués, cauteleusement mesurés, rendus vivement impraticables, grâce à un quadrillage toujours plus fin, toujours plus serré. « La Grille est un moment terrible pour la sensibilité, la matière. » (Le Pèse-Nerfs). Au point que la création ― la simple production ― confine quelquefois à l’impouvoir dont il est question, toujours dans Le Pèse-Nerfs. Cet impouvoir, encore localisé chez Artaud, s’est généralisé ; il est devenu la norme que nous ont infligée les impuissants de ce monde, par contagion bromurée semble-t-il.
Et pourtant, je bande, murmure le dernier lecteur, face à l’Inquisition des Malbaisants. Car, en définitive, la lecture-jouissance est dangereuse, bordée de mort, profondément subversive. Artaud n’avait de cesse de se désigner comme un « insurgé du corps » et seule une lecture-jouissance ― avec ce qu’elle comprend d’empêchement, de souffle, de faim, d’incoercible désir, de râles fortifiants et peut-être de souffrance véritable ― permettra l’appréhension à vif de son texte, ou de celui de Lautréamont, de sorte à penser le grand renversement ; mieux encore, à le vivre :
… si l’attitude de Maldoror est recevable dans un livre, elle ne l’est qu’après la mort du poète, et cent ans après, lorsque les explosifs astreignants du cœur viride du poète ont eu le temps de se calmer. Car, de son vivant, ils sont trop forts. C’est ainsi qu’on a fermé la bouche à Baudelaire, à Edgar Poe, à Gérard de Nerval et au comte impensable de Lautréamont. Parce qu’on a eu peur que leur poésie ne sorte des livres et ne renverse la réalité … Et on a fermé la bouche à Lautréamont tout jeune afin d’en finir tout de suite avec cette agressivité montante d’un cœur que la vie de chaque jour catastrophiquement indispose, et qui aurait fini par transporter partout, à la longue, la cynique et insolite cautèle de ses inlassables écorchements. (« Lettre sur Lautréamont » (1947))
La littérature ― je veux dire, la vivante et l’irrecevable parce que vivante, celle dont la chair tremble, pue et suinte ― est conçue et se pratique de plain-pied, à l’échelle un. C’est ainsi qu’il m’arrive de me perdre dans le jardin des supplices (ô ! jouissance, lame froide) de Martial Canterel, où danse Faustine et vole la demoiselle. Lisant Dante, je caresse la panthère, je traverse la forêt obscure, je me sature de versi strani, et je vais vers les étoiles. À pas de somnambule, je marche dans ceux de Nerval, qui lui aussi suit une étoile. Nous sommes quelques-uns à avoir embarqué sur l’Impossible, navire affrété par un alpiniste fou ; nous sommes en quête du Mont Analogue. Et tout se passe comme si on avait veillé à nous faire oublier qu’il est une continuité essentielle entre le livre et le monde. Parce qu’on a peur que la poésie ne sorte des livres et ne renverse la réalité.
L’Impossible du Père Sogol s’est échoué sur de bien décevants récifs. Nous ne serons jamais que des nageurs morts sur la croisette. Per aspera ad astra. Mais, en ce siècle éblouissant d’horreur, il n’y a plus d’étoiles, mon enfant. Il faudrait être bien naïf. Jamais, c’est vrai, Nerval ne viendra sonner en bas de chez moi, pas davantage qu’on ne verra le vieil Artaud battre de la canne, vociférer sous mon balcon. On leur a, d’ailleurs, à tous deux, fermé la bouche et châtré le rêve. Eux aussi, je n’en doute pas, souffriraient atrocement de la pression mass-médiatique de la sacro-sainte communication-pour-ne-rien-dire, qui s’exerce sur le visage, sur tout l’être. « … écrasement vaste, inouï du sommet du crâne, de l’arrière de la nuque, écrasement d’une force, et on dirait un volume d’une dimension telle qu’il donne l’impression du poids d’un monde sur les épaules … » (lettre du 29 février 1932).
C’est d’autant plus triste que le grand livre du monde nous est, aujourd’hui ― Artaud, Nerval et Lautréamont le pressentaient ― systématiquement occulté. Et l’inimitié entre le livre et le monde n’a jamais été aussi profonde. De toutes parts, on est sommé d’agir, de consommer, de lutter (mais au nom de quoi ?), au prétexte d’une utilité toujours plus fallacieuse ; c’est la marche à la mort et à sa marchandise, non à l’étoile. Et, glanée dans l’importante lettre du 23 avril 1936 à Jean Paulhan, il est une remarque d’Artaud qui vibre aujourd’hui de toute son immuable actualité :
Au moment où le monde cherche des bases ce n’est pas le moment d’écarter les livres, les œuvres qui suggèrent des bases pour publier à la place dieu sait quoi qui fera de l’argent tout de suite mais n’aura pas de lendemain.
Hors-critique, hors-plaisir, de l’autre côté. Sans doute faut-il traverser l’œuvre impossible, tout comme le fit Le Lièvre de Mars avec les Chants de Maldoror justement. La transgression, sous la forme d’un bâclage magistral, devient alors mode opératoire. Le Lièvre s’explique de sa démarche :
Je m’attache à l’idée de produire un livre aussi terrible et pervers que l’original en dévoyant la forme du livre d’enfant, pour un livre dont rien n’est plus éloigné de lui que l’innocence ; mais c’est l’amoralité de l’enfance qui est censée se dépouiller dans l’apprentissage, entre autres choses, par les livres. Eh bien avec cette affreuse chose que je voudrais publier, j’aimerais que nous mettions un adulte dans une situation troublante de désapprentissage (au moins de l’ « évidence », de la clarté). Rien n’y sera moins bien rangé que dans ce livre, rien ne viendra rendre plus « lisible » le texte, il n’y aura aucune couleur chatoyante, les dessins ne rendront pas la lecture plus simple, ils l’envenimeront. (Le Lièvre de Mars, M. Une traversée des Chants de Maldoror d’Isidore Ducasse comte de Lautréamont (6 Pieds sous terre éditions, Frontignan, 2006, p. 221). D’une exécution remarquable, cette œuvre est également disponible sous copyleft, sur le site www.le-terrier.net.)

Envenimer la lecture, favoriser le désordre, le désapprentissage du lisible. Bousiller le livre. Susciter l’expérience essentielle et presque démente de la lecture-jouissance, qui s’applique génialement au « type du livre emmerdant absolument impossible à lire, que personne n’a jamais lu de bout en bout, même pas son auteur, parce qu’il n’existe pas, » comme le dit Artaud quelque part. Le commentaire vide de jouissance (la parole sans effraction), ne saurait toucher ce type d’ouvrages. Allez faire de la lecture-plaisir avec les glossolalies d’Artaud :
ya menxi
ten
ku la bera
ku la bera
ka texi
ya ke menkur luri
Communication morte, communiquez. Volupté morte, copulez. Incapable d’entamer avec elles un commerce sensuel et charnel, de caresses, d’étreintes, de syncopes et de touchers aussi pénétrants que possible (pénétrant se dit aussi de l’esprit), ce discours inoffensif, tout en fadeurs, anodin, sans lame ni marteau, n’est décidément pas fait pour entrer en résonance ou en véritable sympathie avec des œuvres qui se dressent aux confins forcenés du littéraire.
En quoi les Messages révolutionnaires d’Artaud nous parlent-ils ? Nous regardent-ils seulement ? Je ne suis pas bien sûr d’être en mesure de répondre à ces questions, dont je sens cependant l’urgence brûler au cœur de nos décombres, sous cet amas d’images brisées qui nous tient lieu désormais de culture. Ce mot de culture, sur lequel je reviens, est omniprésent dans l’expérience mexicaine d’Artaud. « S’il y a une culture, elle est à vif et elle brûle les organismes. Car pas de culture sans foyer. » ; « Être cultivé c’est manger son destin, se l’assimiler par la connaissance » ; ou encore :
… cette idée que je veux développer je l’appelle la réconciliation de la Culture et du Destin. Dans la conscience désespérée de la jeunesse une nouvelle idée de la culture est née. Et cette culture qui veut connaître l’homme se fait une haute idée de l’homme. Elle n’accepte pas qu’on sépare la vie de l’homme de celle des événements. Elle veut qu’on entre dans la sensibilité intérieure de l’Homme qui joue, aussi, avec les Événements.
Etc., etc.
Bâcler, on sait faire, disent-ils à raison. Mais, se demanderont ces Malbaisants, comment traverser, en particulier l’œuvre d’un auteur positivement foutraque qui disait non seulement avoir raté ses mots, mais écrire pour les analphabètes ?
Rater ses mots, c’est au fond ce qu’un poète a de mieux à faire ; ce ratage consiste en une sorte d’attentat sciemment perpétré contre les mots de la tribu. Pour les analphabètes, cela n’implique pas que l’on s’identifie à l’auteur ― comment diable possible ? ― jusqu’à jouer à l’analphabète (une seconde nature, pour certains) et se réclamer d’un Artaud « pour les nuls », démocratisé à ras d’imbécilité, au point qu’on soit tenté de lire « La recherche de la fécalité » avec le cu, de subir la Passion de l’Antonin bien religieusement par le cu. Au contraire. Deleuze nous le rappelle, « Pour les analphabètes » veut dire, pour eux, à leur place. On ne sortira jamais de l’hystérie du commentaire. À moins de prendre la critique littéraire, a fortiori au sujet d’Artaud, pour ce qu’elle est : une tentative éperdue d’humour noir (cela foire souvent) ; dans le pire des cas, et c’est le plus souvent, une vaste blague.
Alors, quoi ?
Quel était l’arcane majeur d’Artaud ? Arcane XVIII Le Soleil, peut-être. Héliogabale, Tutugri obligent. Sans doute n’est-ce pas aussi simple. Les kabbalistes parlent du Soleil derrière le Soleil. Artaud, précisément, est toujours ailleurs, occulté, derrière le Soleil.
Je vois tout aussi bien ce grand acteur ― cet « athlète du cœur », selon sa propre formule ― sous les traits de l’Arcane VI, L’Amoureux tiraillé entre deux dames. Au mois d’août 1926, en revenant de Madame Sacco, la voyante dont il est question dans L’Art et la Mort (et qui apparaît dans la Nadja de Breton), Artaud écrit à Janine Kahn :
Vous auriez aussi à un moment donné une passion, de la passion, a-t-elle dit, mais d’un caractère assez spécial, mais vous ne serez jamais ma femme. Mais ce que vous éprouvez pour moi est surtout de l’ordre de l’amitié. Il y a en moi quelque chose d’insaisissable, qui vous attire et vous repousse aussi un peu.
Et à Génica Athanasiou, non moins belle, le lendemain : « Vraiment avec toi c’est comme si l’on clamait dans le vent, si l’on désespérait dans le désert. » Amoureux que deux passions déchirent, qui sera doublement éconduit. L’histoire impossible d’Antonin et de Génica durera quelque temps. Les trois « Lettres de ménage » du Pèse-Nerfs en témoignent.
Mais, à y bien réfléchir, Artaud est l’Arcane I, Le Bateleur, principe dont toute création dépend. Encore qu’il revisite ce personnage dans Les Nouvelles révélations de l’Être. Il en fait une entité neuve, un avatar tout personnel, sous la forme bancroche du Bateleur Malotru :
PAR LUI LES SEXES ONT ÉTÉ SÉPARÉS AVEC LA FLAMME, CAR IL CONNAISSAIT PAR NATURE LA FLAMME DE L’AMOUR TROUVÉ ET PERDU.
ET POUR FAIRE ACCEPTER CETTE SÉPARATION PAR LA FLAMME, IL A D’ABORD JOUÉ AVEC SA PROPRE FLAMME.
IL S’EST DONNÉ D’ABORD POUR EXTRAVAGANT MALOTRU.
ET LE DESTIN DE L’HOMME ET DU MONDE EST SUSPENDU À CE BATELEUR MALOTRU.
Le malotru, explique Littré, est une « personne maussade et mal bâtie ». Le maussade Artaud parle notamment à la belle Janine de sa profonde tristesse, cette « mélancolie intense qui recouvre toutes [s]es actions, d’un défaut absolu de satisfaction en ce monde » (lettre à Janine, vers le 15 août 1926), et cette mélancolie traverse l’œuvre d’Artaud. Mais le Malotru, la créature « mal bâtie », n’aura de cesse de vociférer :
L’homme est malade parce qu’il est mal construit.
Il faut se décider à le mettre à nu pour lui gratter cet animalcule qui le démange mortellement,
dieu,
et avec dieu
ses organes.
(Pour en finir …)
L’Extravagant Malotru d’il y a un instant, on pourrait le confondre avec ces « ombres d’hommes bâclés à la six-quatre-deux » dont parle le Président Schreber. Bâclés, oui. Car il est au fond une croyance selon laquelle « le visage humain est une force vide, un champ de mort. » (texte écrit en 1947).
Visages, images d’Artaud, pour finir. Que se passe-t-il au juste entre le cliché fameux de Man Ray datant de 1926 ou 1927 et les photographies de la fin, celles de Denise Colomb ou de Georges Pastier ? C’est la traversée de l’Impossible. Est-ce le travail de l’œuvre ? Beaucoup plus, et bien autre chose.
Beau comme Artaud dans Le Juif errant. Beau et fou comme Savonarole dans le film d’Abel Gance.
Artaud parmi les étoiles chez Fritz Lang. Mais il n’y a plus d’étoiles.
Ou bien, sans doute plus définitive, l’image d’Artaud-Marat, dans sa baignoire, plume au poing. Et c’est alors surtout une voix dure et cassante comme un jet de pierres : « Ferme ce rideau, nom de Dieu ! »
[texte écrit en 2016]