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Le chien de Seelig

 

« Il avançait, indifférent, sans se soucier du chemin, tantôt en montée, tantôt en descente. Il n’éprouvait aucune fatigue, la seule chose qu’il trouvait désagréable par moments, c’était de ne pouvoir marcher sur la tête. »  (Lenz)
 « Mais lui-même est déjà l’âme du monde. » (Kurt Münzer au sujet de Robert Walser)

Robert_walser_1890er

Des pas dans la neige. Seelig n’est pas venu. On dit que ce furent des enfants qui découvrirent le corps étendu dans la neige, le berger s’étant quasi défait de son collier. Le chapeau, à un mètre du chef. Un schizophrène, ainsi l’avait-on fixé. Méthode et folie. Oh! ces repas roboratifs pris avec Seelig dans les tavernes de Rehebotel, de Saint Gall, au Sternen de Degersheim. Villages. Clochers. Il n’est pas venu lui rendre visite ce jour-là. Contre toute attente. Une vie entière à parfaire le zéro. Point de glaciation, là où ça se fige. Un homme toujours bien mis. Un schizophrène, avait-on décrété à Waldau, très calme, oeil vitreux je suppose – à la Fritz. Sociable même. Qui vivait la moitié de la journée de ses inoffensives rêveries de poète, écrivait un peu (tout petitement déjà ? fourrant par devers lui les liasses scribouillées ?). Effectuait, l’autre moitié, des travaux de jardinage. Seelig n’est pas venu lui rendre visite. Des traces de pas dans la neige, c’était un très grand marcheur, un vagabond presque, Seelig le suivait à peine dans ses ascensions. Ca ne s’invente pas, le critique, l’éditeur, le confident, l’ami à la traîne. Assis sur le rebord de la fenêtre, et de fourrer ces papiers nerveusement vite dedans ses poches vite. Mais Seelig n’est pas venu. Un corps étendu dans la neige. Le chien rendu nerveux par la mort. Bocks de bière bus dans les tavernes, solides collations et le nécessaire verre de l’étrier au buffet de la gare. Un vagabond presque, qui arpentait la Suisse, de Bienne à Zurich. Promenade du schizo, oui oui. A s’en faire saigner les pieds, de Zurich à Berlin. Au-delà, paraît-il. Seelig a jugé meilleur de veiller son dalmatien ce Noël-là. Oh ! cette photo de lui, les mains molles posées sur ses cuisses, la tête tombante, l’air hébété, tellement dumm. Il était alors commis, homme à tout faire, scribe en un mot, dans je ne sais quelle étude à Bâle, à Stuttgart, à la fin des années 90. Consort on l’a bien compris de Bartleby, de Plume, de Malone aussi. La littérature n’invente rien. Un zéro rendu plus rond à force de malheur, de récidive dans le malheur, de folle et malheureuse opiniâtreté, plus null que null.

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