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Blonde d’Andrew Dominik : rater la vie, manquer le vivant

Voici un film maniéré, lourdement expressionniste, qu’on attendait depuis longtemps. Et il se trouve que cette attente a fait naître un peu trop de désir à l’endroit de cette adaptation du superbe roman de Joyce Carol Oates (2000) qui, lui, par le moyen de détours imaginatifs autant qu’imaginaires, touche à la vie même.

Désormais, lorsqu’on veut se procurer le livre, et c’est une excellente idée, on a droit à la mention « Netflix » sur la couverture du paperback. C’est comme ces stickers « vu à la télé » de naguère, pour nous assurer de la qualité de tel ou tel produit. Il faut croire que les vieilles astuces de bateleur rusé marchent toujours aussi bien.

L’éditeur 4th Estate a donc voulu vendre du papier en apposant cette pastille pacotille sur la couverture de ses nouveaux exemplaires de Blonde. Très bien. Andrew Dominik n’évoque quant à lui le roman d’Oates qu’à la toute fin de son pathétique opus, après plus de deux heures quarante d’images emphatiques quelquefois virtuoses, mais finalement abstraites. Cela lui aurait-il écorché la gueule de remercier un peu plus cordialement ? Non pas qu’il doive beaucoup au grand livre d’Oates (il s’en éloigne de par sa pesanteur, et de beaucoup), mais ce grand roman a surtout enseigné à quiconque se mêle de Marilyn qu’une certaine liberté est salutaire pour accéder aux dessous, si je puis dire, de l’icône. Pour cela, donc, un grand merci à Joyce Carol Oates, et dès le premier plan du film.

Marilyn vue à la télé donc. La fameuse machine qui fabrique de l’oubli, selon Godard. Cela tombe bien, puisque Dominik fournit à foison des images souvent prétentieuses dont on ne perdra rien à les oublier. D’ailleurs elles s’oublient toutes seules. Il y a de l’incontinence dans cette façon de faire du cinéma.

Ainsi, chez Dominik, de manière grotesque, les couvertures de magazines où l’on voit Marilyn en pin-up sont mises en mouvement, comme si celles-ci étaient amenées à déborder. Or, ce sont peut-être les photographies les plus pauvres que l’on connaisse de Marilyn Monroe.

Il fallait rendre la chose spectaculaire et ne surtout pas s’occuper de la vie de Marilyn. Jamais le terme de biopic n’a été aussi peu adéquat.

On rate la vie de Marilyn, et l’on manque toute forme possible du vivant. Or, il est convenu que le mythe, c’est la mort. On nous propose donc ici l’autopsie maladroite et voyeuriste du mythe. Certains plans sont plutôt réussis cependant, comme lors de cette séquence d’essai, en noir et blanc, où Marilyn verse des larmes de crocodile.

Blonde, 2022

Ici, Ana de Armas a la fragilité d’une héroïne de Fitzgerald. Quelque chose se passe, mais on enchaîne assez vite sur autre chose. Le rythme effréné du film ajoutant à la surenchère générale.  

Andrew Dominik parvient à défaire l’image de Monroe, sans grande finesse, en la piétinant presque. Ce n’est jamais que de l’icône après tout. La poitrine de de Armas sauve peut-être certains plans, mais vouloir ainsi fonder une esthétique sur des aréoles, quand bien même remarquables, est tout de même un peu faible et contestable.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que le romanesque délibéré d’Oates permettait de rêver le mythe, d’en dégrafer le corset avec davantage de subtilité. Si on a deux heures et quarante-sept minutes à perdre, on pourra visionner ce film sur la célèbre plateforme, mais on ne verra pas grand-chose de la vie de Marilyn.

Blonde, 2022

Il y a un mérite au film d’Andrew Dominik, celui de donner envie de lire ou de relire le roman de Joyce Carol Oates. Ou bien de découvrir Musée Marilyn d’Anne Savelli.

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